Mon petit fils de 15 ans accumulent les bêtises depuis plusieurs mois. Il doit suivre ses cours à la maison car il ne lui était plus possible d'avoir une scolarité suivie au collège à force de renvois successifs pour problèmes de comportement ( sans dù à l'adolescence, à sa vie familiale très perturbée et à ...l'école ). Gentil avec nous mais éternel révolté. Il s'identifie aux jeunes des cités alors qu'il n'en est pas un. Il se sent toujours visé personnellement et victime d'injustice. Il se sent agressé alors il agresse lui-même, verbalement surtout. Ce sont alors des insultes à me faire dresser les cheveux sur la tête. Heureusement, il n'a pas du tout ce comportement avec nous, mais se conduit ainsi dès qu'il est dans un groupe un peu insécurisant comme la classe, le collège. Il n' a jamais vraiment trouvé sa place à l'école car, dyslexique, il a toujours eu des difficultés à se concentrer, à travailler à la même vitesse que les autres. Il n'a jamais vraiment trouvé le soutien qui lui aurait redonné un peu confiace en lui. Il est persuadé qu'il est nul.
C'est vrai que notre système scolaire n'est pas tendre avec les élèves qui n'entrent pas dans le " moule " de l'éducation nationale. J'ai tout essayé mais je n'ai pas trouvé la solution. Dès qu'il était renvoyé, je le faisais travailler à la maison, ce qu'il faisait volontiers. C'est ce qui m'a incitée à demander son inscription aux cours par correspondances. Ce fut très compliqué à obtenir et il vient juste de commencer. Il va devoir beaucoup travailler pour se remettre à niveau. Sera-t-il capable de le faire ? Aura-t-il assez de volonté ?
Voyant son parcours scolaire, je m'interroge sur le devenir de tous ces collégiens qui sont exclus et dont personne ne s'occupe lorsqu'ils sont dehors. Parfois les parents ne le savent même pas, les élèves sont assez malins pour détourner le courrier ou bien les parents ne savent pas lire. Que deviennent-ils, livrés à eux-mêmes des journées entiéres? L'éducation nationale autorise maintenant des déscolarisations temporaires mais reconductibles. Une façon comme une autre de se débarrasser des "problèmes ". Ne fabrique-t-elle pas ainsi des délinquants ? Souvent ces jeunes sont en échec scolaire depuis leur plus jeune âge et ont été traînés de classe en classe parce qu'on ne savait pas quoi faire d'eux. Il n'existe pas de structures adaptées pour ces enfants en perdition quelque soit l'origine de leur problème. Je le sais bien puisque j'ai été enseignante pendant de longues années. Je me suis trouvé confronté à ce dilemne. Que conseiller aux parents quand leur enfant ne rentre pas dans le moule ? J'ai souvent eu du mal à faire comprendreà mes collègues qu'ils n'étaient pas des nuls, des incapables...qu'ils avaient un peu plus besoin d'écoute, de compréhension, que nous devions nous occuper en priorité de ces élèves. Les bons élèves s'en sortent toujours, il suffit d'aiguiser leur curiosité, de les guider dans l'acquisition des connaissances. Les autres devraient être le centre de nos préoccupations d'enseignants car ils ont tous un talent caché qu'il faudrait savoir découvrir pour leur redonner l'espoir et la confiance. Ce n'est pas facile, car il y a des programmes à suivre, des parents qui ont peur que leurs bons élèves d'enfants ne progressent pas assez vite. Il y a aussi notre système où la réussite n'est basée que sur la sacro-sainte note, jamais sur la valeur de l'individu, sa capacité à progresser. Même animé des plus belles intentions, il est parfois impossible d'agir contre le système. Mais, les enseignants comprennent d'autant moins la nécessité de s'occuper des élèves en difficulté que leurs propres enfants sont rarement en difficulté car ils ont été formatés, dès leur naissance, par leurs parents enseignants, pour devenir de bons élèves qui entreront bien dans le "moule ". Ces enseignants n'imaginent pas que les problèmes scolaires rejaillissent sur toute la vie de la famille, provoquent des disputes avec l'enfant mais aussi entre parents. Quand il y a un vilain petit canard dans la famille, il faut gérer : les mauvaises notes, les mots dans le carnet, les punitions et les retenues, les convocations des professeurs, les leçons de morale et le sentiment de culpabilité qui s'installe....tout en restant vigilant pour que l'enfant ne se sente pas complètement rejeté par le système et ne devienne pas associal. Souvent, on voit alors apparaître les changements du comportement, l'agressivité. Si la famille n'est pas soudée derrière lui, l'enfant peut vite basculer et on le retrouvera plus tard au collège alors qu'il n'a pas les bases qui lui permettraient de suivre un peu. Il se sentira très vite " largué " et deviendra ingérable par les professeurs qui " ne sont pas des psychologues et ne sont pas formés pour s'occuper de tels élèves " ( j'ai souvent entendu ce discours ) . Tout le monde est impuissant, on fait remplir aux parents des dossiers de demande d'orientation dans des établissements spécialisés sachant qu'il y a si peu de places que la demande n'aboutira sûrement pas . Mais il faut bien se couvrir. Si par malheur, le jeune fait une grosse bêtise, l'administration sera couverte, elle a fait les démarches.
Tout notre système est à revoir depuis la maternelle, qu'il ne faut surtout pas supprimer, où il faut des enseignants spécialement formés pour s'occuper de très jeunes enfants. Il faudrait des classes à effectifs réduits, de réels moyens, des enseignants mieux formés. Il faudrait valoriser le travail réel d'un élève, prendre en compte ses efforts pas seulement sa note. Chacun sait qu'un dyslexique travaille beaucoup à la maison pour des résultats souvent minables en classe. Il faudrait que les enseignant croit les élèves et les parents quand ils assurent que la leçon a été apprise et répétée, même si le lendemain il ne reste pas grand chose en mémoire. Quoi de plus décourageant que le " tu n'as pas appris ta leçon " quand ce n'est pas vrai ? Parviendrons-nous un jour à avoir une école qui offre vraîment toutes les chances de réussite, pour tous, dès le plus jeune âge ? Au collège, c'est déjà trop tard depuis longtemps. Le collège ne fait que parachever la destruction des individus hors "moule ". Pendant des années, au collèges, des jeunes attendent que leurs 16 ans arrivent, sans ne plus faire aucun effort. Comment peut-on imaginer qu'en sortant du collège, tout à coup, ils auront le goût de l'effort, du travail bien fait. Ils viennent de passer des années à se laisser vivre, à se considérer comme des nuls et avoir survécu à cette déchéance en se faisant remarquer( il faut bien qu'ils existent ) en faisant des bêtises, en organisant des trafics. L'école leur renvoie une très mauvaise image d'eux-même et ils finissent par se comporter de façon à être conformes à cette image.
Je suis rentrée dans l'éducation nationale avec beaucoup d'illusions car c'est grâce à elle que j'ai eu un métier aussi passionnant. Durant ma scolarité j'ai rencontré des enseignants qui m'ont poussée à faire des études alors que je venais d'un milieu modeste. A l'époque tous les élèves n'allaient pas au collège, ils ont dù convaincre mes parents de me faire poursuivre des études. Je remercie ces professeurs qui m'ont donné l'envie de faire ce métier. J'ai eu envie à mon tour d'aider mes élèves à réussir et à prendre confiance en eux. J'ai l'impression de m'être battu contre des moulins à vent, que l'école gratuite, laïque et obligatoire, pour la réussite de tous, est en train de disparaitre. L'école d'aujourd'hui devient une école élitiste qui se débarrasse des " cas " trop compliqués quitte à en faire des délinquants.
J'espère me tromper mais pour l'instant c'est ce que je ressens et c'est une grande désillusion.